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Comment la communication narrative peut aider les entrepreneur.es à se sentir eux-mêmes au travail, y compris ceux dont le genre est marginalisé.
Une conversation avec Brad Sensabaugh, conseiller principal, Diversité et inclusion – BDC.
Au travail, vous montrez-vous tel.le que vous êtes, autrement dit, êtes-vous vous-même?
Nombreux sont ceux et celles qui parmi nous peuvent répondre « oui », sans réaliser à quel point c’est un privilège. Pour la communauté LGBTQ2S+, et les personnes transgenres et non binaires en particulier, ce n’est pas aussi simple. Il existe encore des pratiques, des croyances et des barrières systémiques qui font qu’il est difficile, voire dangereux, d’être soi-même sur le lieu de travail.
De plus, vous pouvez éprouver ces difficultés quel que soit votre statut, employé.e ou entrepreneur. Selon un sondage mené par la CGLCC (Chambre de commerce LGBT+ du Canada) et l’Institut Deloitte, sur les quelque 28 000 entreprises appartenant à des personnes LGBTQ+ au Canada – combinant un chiffre d’affaires de plus de 22 $ milliards et un effectif plus de 435 000 Canadiens – une sur deux a délibérément caché le fait que ses propriétaires étaient des personnes LGBTQ+, et trois sur dix ont été victimes de discrimination.
Afin d’approfondir ces questions et de découvrir des solutions potentielles, j’ai rencontré Brad Sensabaugh, conseiller principal, Diversité et inclusion, à BDC. Brad s’est joint à BDC il y a quelques mois à peine, mais en peu de temps, il a eu un impact déterminant sur notre stratégie de diversité et d’inclusion. Homme transgenre engagé à faire connaître les défis auxquels sa communauté est confrontée, il a passé près de dix ans en tant que spécialiste de la diversité et de l’intégration à rendre le milieu de travail plus inclusif pour tous les groupes marginalisés.
Brad a expliqué pourquoi il est plus difficile d’être soi-même pour certaines personnes, en quoi la communication narrative peut contribuer à changer ce paradigme et comment nous pouvons tous être de meilleurs alliés à l’avenir.
Laura : Je suis persuadée que pour certaines personnes, il est difficile de se faire à l’idée de ne pas pouvoir être soi-même au travail. Commençons si vous le voulez bien par explorer les raisons pour lesquelles certaines personnes, comme les membres de la communauté transgenre, ne peuvent tout simplement pas être elles-mêmes sur le lieu de travail?
Brad : Je pense que pour les personnes trans, non binaires et de divers autres genres, le concept de dévoilement est incommensurable. Imaginez donc les défis que cela pose sur le lieu de travail. De bien des façons, nous pouvons être dévoilés sans le vouloir.
Par exemple, il se peut que notre carte d’identité ne corresponde pas à notre expression de genre, comme c’est le cas pour un homme transgenre dont la carte d’identité indique qu’il est de sexe féminin. L’acte extrêmement banal et simple de s’identifier légalement peut être un processus intimidant, avec parfois des conséquences telles que l’échec d’une affaire ou une occasion manquée, et quelquefois aussi une sécurité compromise.
Cela peut aussi se manifester très simplement, sous forme d’exclusion. Lorsqu’elles entendent parler de parité des sexes, c’est-à-dire d’une représentation de 50 % de femmes et de 50 % d’hommes, les personnes non binaires ont en quelque sorte le sentiment de ne pas exister.
« Imaginez que vous essayiez de fournir le nom d’une personne citée en référence et que vous deviez expliquer pourquoi cette personne ne vous reconnaîtrait pas sous votre nom ou votre genre actuel. »
Laura : Qu’en est-il pour les entrepreneur.es? Selon une étude canadienne, environ 50 % des propriétaires d’entreprises LGBTQ+ choisissent de ne pas divulguer cette partie de leur identité.
Brad : Pour commencer, c’est souvent une question de sécurité. Bien que de multiples droits et protections soient en vigueur ici, au Canada, nombreuses sont les personnes qui craignent encore la transphobie et l’homophobie et choisissent donc de ne pas être complètement franches ou transparentes – de peur que cela ait un impact sur le succès de leur entreprise, ou pire. D’autres entrepreneurs et entrepreneures doivent faire attention lorsqu’ils font affaire dans des pays ou des territoires – même dans certaines parties des États-Unis – dépourvus de ces droits et protections. Cette réalité peut être encore plus préoccupante.
Les personnes appartenant à la communauté transgenre ont parfois des trous dans leurs antécédents en matière d’emploi, de crédit ou de logement. Imaginez que vous essayiez de fournir le nom d’une personne citée en référence et que vous deviez expliquer pourquoi cette personne ne vous reconnaîtrait pas sous votre nom ou votre genre actuel. Cette difficulté peut également se présenter lorsqu’il faut fournir des relevés de notes ou des diplômes. Tout cela peut susciter le sentiment de ne pas agir avec franchise et une attention plus insistante à l’endroit d’une personne transgenre.
Il ne s’agit là que de quelques exemples. Chaque membre de la communauté a son propre vécu qui définit la mesure dans laquelle il ou elle se sentira à l’aise pour partager son histoire.
Laura : Je sais que vous vous sentez à l’aise pour partager votre propre histoire, et j’aimerais en savoir plus. Comment avez-vous commencé votre carrière dans le domaine de la diversité et de l’inclusion?
Brad : La défense des intérêts des autres et un sens aigu de la justice ont toujours fait partie de ma vie – ce sont des valeurs qui m’ont été inculquées par mes parents dès mon plus jeune âge. Ensuite, tout au long de mon propre parcours en tant qu’homme trans déclaré, j’ai vécu directement certains des défis, obstacles et problèmes auxquels les personnes trans peuvent être confrontées dans les environnements de travail. Mais cela ne m’a pas empêché de regarder ma vie en face; ce n’était pas quelque chose que j’allais essayer de cacher. J’ai saisi les occasions d’entamer le dialogue sur ce que signifie être un homme transgenre.
J’ai longtemps soutenu la communauté transgenre de façon parallèle. Puis, il y a environ dix ans, j’ai commencé à évoluer professionnellement dans le domaine de la diversité et de l’inclusion, et j’ai beaucoup appris sur d’autres communautés également. J’ai décidé de devenir un expert en matière de diversité et d’inclusion, en mettant l’accent sur l’inclusion. Car si la diversité est une question de mesure, l’inclusion est une question d’impact – et c’est là, je pense, que nous pouvons vraiment faire évoluer les choses dans les organisations. Ces convictions et ces valeurs s’accordent parfaitement avec le fait de travailler pour une entreprise qui a une optique sociale comme BDC, et je me suis senti extrêmement bien accueilli depuis mon arrivée, il y a quelques mois.
Laura : Je suis heureuse de l’entendre. En quoi, à votre avis, votre propre expérience a-t-elle façonné votre façon d’aider les autres communautés marginalisées?
Brad : Ce que j’ai appris durant ma transition touche aux concepts de privilèges et de stéréotypes. De nombreuses personnes trans sont visiblement trans, un terme qui, je considère, ne s’applique plus à moi. Je veux dire par là que si nous nous rencontrions par hasard, vous ne me percevriez probablement pas comme un trans, mais comme un homme cisgenre. C’est un privilège dont je jouis, contrairement à d’autres membres de ma communauté et à de nombreuses autres minorités visibles. Je ne suis pas dévisagé ou menacé à cause de mon apparence et je ne subis pas de moqueries.
Cela n’a pas toujours été le cas, à l’instar de nombreuses personnes transgenres. C’est pour cette raison que je me sens obligé d’affirmer qui je suis et de rappeler à tout le monde qu’il ne suffit pas de regarder une personne pour savoir si elle est transgenre. En partageant mon histoire personnelle, je contribue modestement à corriger ce qui se dit sur ce sujet ainsi que tant d’autres idées fausses.
« La communication narrative est indissociable de l’éducation; elle nous aide à élargir nos horizons et à ouvrir les esprits. »
Laura : Comme vous le savez, nous avons ajouté une composante de communication narrative à notre stratégie de diversité et d’inclusion à BDC, en présentant des témoignages d’employés et de clients pendant le Mois de l’histoire des Noirs, le Mois de l’histoire des femmes, le Mois de l’histoire des Autochtones, etc. Comment voyez-vous le rôle de la communication narrative dans l’inclusion?
Brad : La communication narrative est indissociable de l’éducation; elle nous aide à élargir nos horizons et à ouvrir les esprits. L’évolution et la compréhension qui en résultent peuvent être très puissantes. Plus nous écouterons et nous nous sentirons à l’aise pour poser des questions, et plus nous admettrons honnêtement nos lacunes et demanderons davantage de renseignements, mieux nous serons tous informés.
Chaque entrepreneur.e a une histoire qui contribue d’une manière ou d’une autre à son entreprise, et c’est également le cas pour chaque membre du personnel. Personne ne fait son parcours tout seul. Lorsque j’ai commencé ma transition, j’ai réalisé que mon histoire n’était pas uniquement la mienne. Mes parents ont eu leur propre parcours en devenant les parents d’un fils trans, et mon frère, qui avait autrefois une sœur, avait dorénavant un frère. Ainsi, je vivais ma propre expérience, ma propre histoire et ma propre vérité, et ils vivaient les leurs. Vous ne pouvez pas vous attendre à connaître absolument tout de l’expérience de quelqu’un d’autre.
L’acceptation et la compréhension progressent lorsque nous accordons aux autres le bénéfice du doute, que nous leur permettons de vivre leur propre parcours et que nous cherchons à trouver des moyens d’être de meilleurs collègues, amis et alliés en cours de route.
Laura : Y a-t-il des ressources que vous pouvez recommander aux personnes qui ne sont pas non binaires ou transgenres afin de les aider à mieux comprendre et à devenir de meilleurs alliés?
Brad : Il existe des organisations exceptionnelles qui offrent non seulement un soutien aux personnes non binaires et transgenres, mais qui proposent également des ressources – FAQ, témoignages, conseils précis, etc. – pour aider toutes les personnes, ainsi que les organisations, à améliorer leurs connaissances et leur compréhension.
Je commencerais par citer The 519, un centre communautaire situé à Toronto qui dispose de nombreuses ressources pour les entreprises. Fierté au travail Canada est un excellent outil pour les entrepreneurs, et Pflag Canada aidera les particuliers et les familles. Enfin, il existe une excellente ressource au Québec : Jeunes identités créatives.
« Être un véritable allié ou une véritable alliée exige des actions, et pas seulement de l’empathie ou de la sympathie. Quelquefois, cela peut vous mettre mal à l’aise, mais il vaut mieux agir et en tirer des leçons que de ne pas agir du tout. »
Laura : Ces connaissances et cette compréhension sont si importantes. Et si on passait à l’action? Avez-vous des conseils sur la façon dont un allié ou une alliée peut offrir son soutien?
Brad : J’aime l’idée de se demander cinq fois « Pourquoi? » avant de commencer à poser des questions concernant la communauté. Ce que je veux dire, c’est que vous exprimez votre souhait de devenir un allié ou une alliée pour cette communauté : Pourquoi? La réponse à cette question pourra vous donner des pistes d’action. Ensuite, posez la question « Pourquoi? » encore et encore et vous déterminerez plus précisément ce que vous pouvez faire ou ce sur quoi vous souhaitez vous concentrer. Souvent, le fait de demander aux autres « Que puis-je faire? » sans y réfléchir soi-même peut sembler être de la paresse. Commencez plutôt par lancer une idée : « Voici ce que j’aimerais faire », puis posez la question : « Qu’en pensez-vous? »
Être un véritable allié ou une véritable alliée exige des actions, et pas seulement de l’empathie ou de la sympathie. Quelquefois, cela peut vous mettre mal à l’aise, mais il vaut mieux agir et en tirer des leçons que de ne pas agir du tout. Il suffit souvent d’une seule personne pour briser la glace, défendre quelqu’un, ou agir – et cela suffit pour que tout le monde en parle. Nous voulons parvenir à parler ouvertement, afin de provoquer le changement.
Laura : Quel est le changement que vous aimeriez voir se produire concernant le genre?
Brad : Je voudrais que nous commencions à réfléchir à la parité des genres en comprenant que les femmes et les hommes n’ont pas toujours l’apparence, la voix ou le comportement « dont on a l’habitude ». L’appellation des femmes transgenres est souvent erronée, au téléphone et en personne. Mais pour être honnête, il en va de même pour les femmes cisgenres. Je pense qu’en tant que société, nous avons beaucoup d’attentes quant à l’apparence, à la voix et au comportement d’une femme, et chaque variation provoque un déclic.
J’aimerais que nous réfléchissions davantage à la diversité parmi les femmes, les hommes et les personnes non binaires. Le genre n’est pas la seule chose qui nous définit, ou qui fait de nous ce que nous sommes. Mais quelles que soient les expériences et les identités qui s’entrecroisent et nous façonnent, nous méritons tous de vivre et de travailler en étant vraiment nous-mêmes.
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