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En pleine pandémie, Luminaire Authentik a repensé son modèle d’affaires en mettant l’accent sur l’expérience client.

Conversation avec sa fondatrice et présidente, Maude Rondeau.

En tant que vice-présidente et leader nationale, Entrepreneuriat au féminin à BDC, Laura Didyk passait beaucoup de temps avant le confinement à parcourir le pays pour échanger avec des femmes entrepreneurs. Poursuivant ces conversations de manière virtuelle, elle s’est entretenue ce mois-ci avec Maude Rondeau, fondatrice et présidente de Luminaire Authentik, une entreprise québécoise de création et de fabrication de luminaires.

 

Après l’obtention de son diplôme en administration des affaires, Maude Rondeau a évolué pendant 13 ans dans le monde de la mode, mais elle rêvait depuis toujours d’être à son compte. Lassée des voyages d’affaires et du peu d’occasions d’exprimer sa créativité, Maude décide, en 2015, de démissionner pour se consacrer à sa passion : la conception de luminaires.  

Depuis son domicile, Maude fonde l’entreprise Luminaire Authentik dans le but de combler une demande pour des produits stylés et originaux à prix abordable. Soucieuse des besoins de ses clients, elle a vu son entreprise croître au cours des cinq années suivantes.

Si tous ses produits sont toujours conçus et fabriqués au Québec, Maude a déménagé ses pénates du sous-sol de sa maison à un atelier de production et d’entreposage de 5 000 mètres carrés. Aujourd’hui, ses produits sont vendus partout en Amérique du Nord à des particuliers et à des entreprises, en ligne et dans trois salles de démonstration exclusives.  

J’ai demandé à Maude comment elle a réussi à développer son entreprise tout en l’adaptant efficacement pendant la pandémie afin de garder le cap.   

 

Laura : J’aime toujours parler des débuts. Comment avez-vous eu l’idée de Luminaire Authentik et comment l’avez-vous concrétisée?

Maude : J’ai travaillé pendant 13 ans dans le monde de la mode, où j’ai acquis beaucoup d’expérience en vente, en marketing et en distribution de marques. Je devais toutefois beaucoup voyager et, à 33 ans, j’en ai eu assez des déplacements d’affaires et des salons professionnels. J’étais également lasse de devoir faire les choses en me conformant à un moule. La tête pleine d’idées, j’avais toujours rêvé d’avoir ma propre entreprise. 

D’un autre côté, tous ces voyages ont nourri mon amour pour l’architecture et l’éclairage et ma passion pour le design. Forte de cette sensibilité et de mon expérience en commerce, j’ai vu une occasion d’affaires. Il y a cinq ans, le choix de luminaires abordables ayant du style était limité. Les produits étaient soit très coûteux soit très bon marché; il n’y avait pas de juste milieu. 

J’ai décidé de quitter mon emploi et commencé à fabriquer des luminaires dans mon sous-sol. J’ai rencontré quelqu’un qui m’a aidée à comprendre les éléments de la construction, et une fois bien établie sur cette assise, j’y ai ajouté une touche personnelle. 

Laura : Cette touche personnelle fait aujourd’hui partie intégrante de votre modèle d’affaires, n’est-ce pas? 

Maude : L’important, c’est l’expérience du client. Les gens sont heureux de participer à la conception de leur propre produit – qu’ils soient des architectes travaillant sur un projet spécifique ou des clients qui veulent créer leur propre éclairage de maison (avec l’aide de nos experts, bien entendu). En nous occupant de la conception, de la fabrication et de la distribution des produits, nous avons pu obtenir le bon prix et vivre cette expérience avec les clients. 

Laura : À en juger par l’état actuel de votre entreprise, cette formule a été très fructueuse. Pouvez-vous m’en dire plus sur votre parcours au cours des cinq dernières années?

Maude : Nous avons fait nos débuts dans mon garage de 65 mètres carrés et, deux ans plus tard, nous avons emménagé dans un atelier de près de 300 mètres carrés. Nous aurions pu rester là, mais je voulais ajouter un circuit de distribution, celui des hôtels et des entreprises, ce qui exigeait une accélération de la production et plus d’espace d’entreposage des produits finis. Il y a un an, nous nous sommes installés dans des locaux de 5 000 mètres carrés, dont près de 1 500 servent d’atelier. Cela a créé beaucoup de nouvelles perspectives et de l’espace pour croître.

 

« Suivez votre instinct, n’ayez pas peur et soyez épaulé par les bonnes personnes. »

 

Laura : Une telle croissance en cinq ans, c’est très rapide, non? Comment avez-vous réussi à gérer tout cela et quels enseignements en avez-vous tirés?

Maude : Il est difficile de répondre à cette question, car je dois encore aujourd’hui gérer la croissance. Mon conseil est de toujours suivre son instinct. Je l’applique tous les jours. De plus, il ne faut pas craindre de passer à l’action, car l’inaction empêche de croître. 

En début de croissance, le principal défi d’un entrepreneur est toujours l’embauche de personnel. Il n’est pas facile de trouver les bonnes personnes, au bon moment. Je suis entourée d’une équipe formidable, mais certains postes semblaient impossibles à pourvoir. Une fois que c’est fait, cependant, l’atteinte de vos objectifs est possible. C’est impossible de tout faire par soi-même. Je n’y suis pas arrivée toute seule. Mon équipe m’épaule, et je dirais que c’est le facteur le plus complexe et le plus important dans la croissance de l’entreprise.

Laura : La pandémie a-t-elle eu une incidence sur vos projets de croissance? Vous avez mentionné que vous commenciez à exploiter le marché hôtelier, mais ce secteur a été l’un des plus durement touchés par la pandémie. 

Maude : La pandémie de COVID-19 a indéniablement freiné nos projets de croissance. De grands projets avec des hôtels ont été annulés. Si je compare les projections budgétaires pour l’année et la situation réelle, c’est un désastre. Mais la comparaison ne doit pas se limiter aux chiffres. Nous vivons une situation anormale.

Les ventes interentreprises, avec les hôtels et les restaurants, par exemple, sont sur pause, mais elles reprendront – on ignore seulement à quel moment. Il s’agit donc maintenant de trouver de nouvelles façons de composer avec le changement et de nouvelles pistes d’exécution de notre plan d’affaires. J’ai vite compris que la seule façon de traverser cette crise était d’être le plus proche possible des clients. Le volet des ventes commerciales étant fermé, nous avons misé sur l’approche résidentielle.

Tous ces gens confinés à la maison ont commencé à investir dans leur espace, parce qu’ils s’y retrouvaient « coincés ». Cela nous donnait une formidable occasion d’offrir un service à la clientèle plus personnalisé et plus accessible, et de concevoir et de fabriquer de nouvelles collections de produits aptes à susciter l’enthousiasme. Nous voulions être perçus comme une entreprise locale novatrice et dynamique.

Laura : Comment y êtes-vous arrivés? Pouvez-vous nous donner des exemples de mesures que vous avez prises pour stimuler vos ventes dans le secteur résidentiel?

Nous avons toujours eu un volet de commerce électronique, mais nous avons investi beaucoup de temps et d’énergie pour améliorer grandement l’expérience des clients en ligne.

Une semaine après le début de la pandémie, j’ai compris que nous ne pouvions pas recevoir de clients, mais que nous pouvions leur proposer des visites virtuelles de la boutique. Nous pouvons maintenant joindre des clients partout au Canada par rencontre virtuelle privée avec un conseiller en éclairage, ce qui est même mieux, car nous pouvons voir leur espace de vie et leur faire des suggestions. Cela a débouché sur un modèle d’affaires auquel je n’aurais jamais pensé auparavant. 

Nous avons également créé une plateforme 3D, axée sur un outil que nous avions développé à l’origine pour que les architectes et les concepteurs puissent comprendre toutes les possibilités d’intégration de nos composants. Nous l’avons rendu plus convivial à l’intention des consommateurs. De leur domicile, nos clients peuvent à présent voir toutes les formes, couleurs et fonctions qui s’offrent à eux. Nous leur offrons 2 800 possibilités! Ils auraient la même expérience de personnalisation en boutique, mais nous l’avons recréée virtuellement, en leur donnant les outils pour concevoir leur propre éclairage et l’accès à des conseillers.

Le mariage de ces deux éléments a été la clé du succès. Cela nous a aidés non seulement à traverser la crise, mais aussi à éclipser des entreprises n’offrant pas de tels outils ou services. L’adaptation et la rapide mise en marché de ces outils et services ont demandé beaucoup d’énergie, mais cela nous donne aujourd’hui accès à de nouveaux clients au Canada et aux États-Unis.

Laura : Comment se porte votre entreprise physique? Vous avez toujours des salles de démonstration à Montréal et à Cowansville, et un nouvel emplacement ouvrira ses portes à Toronto en septembre prochain, à un moment où de nombreux détaillants réduisent leurs activités. 

Maude : Comme je le disais plus tôt, il faut se montrer stratégique et ne pas craindre de passer à l’action. Les gens travaillent à domicile, et cela deviendra la norme pour beaucoup d’entre eux. Ne voyageant pas et ne fréquentant pas les restaurants autant qu’avant, les gens ont de l’argent à investir dans leur milieu de vie. Notre avenir est dans le résidentiel. Nous devons avoir pignon sur rue à Toronto pour exploiter davantage ce marché très porteur. Les outils virtuels sont efficaces, ils nous aident à traverser cette crise, mais rien n’est comparable à l’expérience complète, qui s’est améliorée à cause de la pandémie.

À la réouverture de notre boutique de Montréal, les clients pouvaient venir sur rendez-vous seulement, et même si tout revient à la normale, nous allons conserver ces rencontres privées. L’expérience du client est bien meilleure lorsqu’il bénéficie d’un accès exclusif à toute la boutique et de l’attention complète d’un conseiller en éclairage. L’ouverture sur rendez-vous seulement signifie que nous avons besoin de moins d’espace et qu’il est plus facile d’y assurer l’hygiène.

Laura : Il semble que vous ayez réussi à créer l’expérience client que vous recherchiez, et qu’ironiquement, la pandémie vous ait montré un moyen plus efficace d’y parvenir.

Maude : Absolument. Je n’aurais jamais pensé qu’il serait plus efficace d’ouvrir la boutique sur rendez-vous seulement. Si nous regardons la conversion des ventes en boutique, c’est comme le jour et la nuit. C’est tellement bien que ce n’est pas comparable. Nous investissons le temps qu’il faut avec un client motivé, et cela porte ses fruits.

Laura : Je suis heureuse de l’entendre. Forte de vos succès jusqu’à présent, quels conseils donneriez-vous à d’autres entrepreneurs qui peinent à traverser la pandémie?

Maude : C’est simple : suivez votre instinct, n’ayez pas peur et soyez épaulé par les bonnes personnes. Entourez-vous bien et regardez droit devant.